Jakilea 104/04 - Chronique judiciaire (2)

Prisonniers

-La jeune Naia Lacroix, souhaitant son rapprochement du Pays Basque et la fin de son isolement, s'était mise en grève de la faim en mai dernier alors qu'elle était en détention provisoire à Gradignan (33). Le 29 mai elle a été transférée....à la Maison d'Arrêt de Chalons en Champagne (51), à 950 kms de son do­micile !

Une autre prisonnière basque, Olga Cornes, qui était depuis 4 ans à Fleury, a également été transférée à Chalons en Cham­pagne, ce qui augmente encore les difficultés pour les visites des familles.

-L'association ETXERAT (familles et proches de prisonniers politiques basques) a réalisé un dossier complet pour récapit­uler les cas des 43 prisonniers incarcérés en France ou en Es­pagne dont la famille réside au Pays Basque Nord. Au total ce sont 36 familles vivant au Pays Basque Nord qui ont chacune un, deux, voire trois prisonniers ! Dont certains sont frappés d'une interdiction définitive du territoire français quand ils ar­riveront enfin au bout de leur condamnation !... Et depuis 23 ans maintenant plusieurs familles du Pays Basque Nord font de longs voyages pour rendre visite à leurs proches (Ion et Unai Parot, Jakes Esnal, Txistor Haramburu). ETXERAT dénonce les incessants transferts qui éloignent en­core plus les prisonniers de leur famille, et rappelle que les par­loirs ne durent souvent qu'une 1/2 heure, ou 40 minutes maxi­mum ! (par rapport à un si long trajet pour la famille!). Obtenir un parloir double (2 fois une 1/2 heure ou dans le meilleur des cas 2 fois 40 minutes) quand on vient de très loin est sans cesse à renégocier. Familles et détenus subissent les conséquences des tensions dans les prisons (surpopulation et exaspération du personnel).

L'association ETXERAT essaie d'obtenir un rendez-vous au­près de la nouvelle Garde des Sceaux Christiane Taubira pour lui exposer tous ces problèmes.

-Début juillet, les 3 prisonniers basques de Villefranche s/Saône : Ibon Gojeaskoetxea, Ruben Ribero, Jùlen Mujika, ont subi des violences et ont été placés au mitard pour avoir protesté contre le fait que l'un de leurs proches a été refoulé avant la visite (voir article). Des militants d'Herrira et d'Etxerat ont tenu une conférence de presse le 12 juillet devant la prison pour dénoncer ces violences. Le CDDHPB de son côté a écrit à la Directrice de Villefranche s/Saône.

-Victimes de la dispersion :

-7 août, grave accident de la circu­lation pour la compagne et les deux enfants du prisonnier Mikel Egibar au retour d'une visite à la prison de Zuera.

-11 août, encore un accident au retour d'une visite de proches à Mattin Olzomendi isolé au Centre de Détention d'Uzerche (Corrèze).

Il y a déjà eu 11 accidents sur les routes de la dispersion depuis début 2012 !

Prisonniers basques en France

Au mois d'août 2012 il y avait 140 prisonniers politiques basques incarcérés en France et dispersés dans 34 prisons éloignées du Pays Basque.

Les plus proches sont : un seul à ISOkms, et huit au total à 200kms.

Solidarité avec Josu Uribetxebarrïa :

Josu est incarcéré depuis plus de 15 ans en Espagne. Opéré d'un cancer il y a quelques années, il vient d'entrer dans une phase irréversible, les médecins ayant diagnostiqué de nombreuses métastases.

Le 31 juillet, il a été transféré de la prison de Léon à l'hôpital de Donostia/St Sébastien où il est placé sous la surveillance constante de policiers. Mais Josu veut être libéré pour terminer sa vie près des siens, et il s'est mis en grève de la faim le 8 août pour appuyer sa demande, malgré son état de santé.

De tous côtés, un vaste mouvement de solidarité s'est propagé pour réclamer la libération conditionnelle immédiate de Josu Uribetxebarria (manifestations, prises de position d'élus, de personnalités, et grève de la faim ou refus de plateaux de centaines de prisonniers basques incarcérés en Espagne et en France). Cette libération conditionnelle est, selon la loi, accessible à tout détenu gravement malade. (Actuellement 13 autres prisonniers basques devraient pouvoir en bénéficier).

Devant la détermination de Josu de poursuivre une grève de la faim qui aggrave encore plus son état, et sans doute face à la pression grandissante, même au niveau international, l'Audiencia Nacional accorde le 17 août une semi-liberté (qui est une étape obligée avant une libération). Josu annonce qu'il continue quand même sa grève jusqu'à obtenir sa libération...

Mais, le 20 août, on apprend que la décision concernant cette libération conditionnelle est repoussée... à « plus tard » pour complément d'informations médicales !...I1 y a pourtant urgence !

Arrivé à un état de faiblesse extrême, Josu est contraint le 22 août d'arrêter sa grève de la faim.

Les appels à la remise en liberté conditionnelle de Josu ne cessent de se multiplier, rassemblements quotidiens de protestation dans tout le Pays Basque, occupations symboliques du Parlement, d'une cathédrale...et toujours de nombreuses grèves de la faim en solidarité dont une devant le Consulat d'Espagne à Rayonne...

Le 24 août, l'expertise médicale demandée par l'Audiencia Nacional est rendue publique : elle estime que le traitement médical pourrait être continué en détention et que ce prisonnier n'est pas (encore tout à fait?) en phase terminale ! ! Ce qui contredit le rapport réalisé par plusieurs médecins de l'Hôpital de Donostia/St Sébastien qui concluait que Josu Uribetxebarria était entré dans une phase irréversible avec une espérance de vie limitée.

En attendant la seule décision humainement acceptable, une libération avant qu'il ne soit trop tard, Josu reste à l'Hôpital de Donostia, étroitement surveillé, et la mobilisation continue.... (voir rubrique « dernière minute » : Josu libéré en conditionnelle mais toujours hospitalisé)

Claire Frossard

 

UN LIVRE

Olivier Milhaud, « Séparer et punir. Une géographie des prisons françaises »,

Editions du CNRS, 2012, 300p., 22 €. Prix Gabriel Tarde 2012. Présentation de l'éditeur.

La prison est une peine géographique : elle punit des pop­ulations détenues en les tenant à distance de leurs proches et en les confinant dans des lieux clos et segmentés. En même temps, le dispositif spatial de la prison cherche à réinsérer le détenu dans la cité, à maintenir ses liens familiaux. D'où un jeu entre distances et proximités, continuités et nuités. En dépit de proximités avérées entre la plupart des prisons et les bassins de population ou les voies de commu­nication, les détenus et leurs proches vivent l'incarcération comme une mise à l'écart. Ces distanciations s'accroissent au niveau local : les élus et les riverains interrogés souhait­ent souvent éloigner les nuisances des prisons, voire cacher le stigmate carcéral - d'où la délicate insertion des établisse­ments dans leur "territoire d'accueil". L'espace architectural des prisons accentue cette obsession séparatrice : démarquer le dedans du dehors et séparer les détenus entre eux. La pris­on se présente donc comme un dispositif de séparation, plus que de relégation : elle coupe les détenus de leurs proches et les empêche de partager un espace commun entre les murs.

L'enquête menée par Olivier Milhaud souligne l'inefficacité de ce système et invite à repenser l'espace de la prison en montrant la difficulté qu'il y a à réinsérer un détenu.

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